Le chaos est souvent perçu comme quelque chose à apprivoiser – une erreur, un manque de contrôle, une interruption involontaire de la beauté. Mais dans ma démarche, le chaos est le commencement. C'est la pulsation sous-jacente à tout ce qui paraît réel. L'énergie du désordre, de la texture qui ne se comporte pas, de la couleur qui refuse de rester dans les limites – c'est là que naît l'authenticité.
Mes peintures originales s'articulent autour de cette idée : l'imperfection n'est pas une tare, mais un langage. Dans l'art brut, où les règles et les systèmes se dissolvent, le chaos devient une forme d'honnêteté. Il révèle l'émotion dans sa forme la plus brute, la plus directe – sans filtre, sans finition.
Quand je peins, je ne planifie pas la composition au sens classique du terme. Je suis l'impulsion, le geste, le rythme. Chaque goutte de peinture, chaque trait superposé s'intègre à un écosystème imprévisible – quelque chose de vivant, de changeant, d'imparfaitement entier.
La beauté du désordre
Pour moi, le désordre a une texture. Il est vivant. Lorsque je crée des peintures brutes, je laisse les matériaux guider mon travail. Épaisses couches d'acrylique, glacis métalliques, coups de pinceau bruts : ils s'entrechoquent et réagissent. La peinture évolue selon ses propres conditions.
Parfois, la beauté apparaît dans des moments inattendus – dans une tache, une fissure de couleur, une surface légèrement déséquilibrée. C'est l'esthétique du chaos : quand l'émotion prend le pas sur la précision et que le visuel devient viscéral.
Dans ce processus, je réfléchis souvent à la façon dont la vie elle-même se comporte de la même manière. L'esprit, le corps, le monde – aucun d'eux n'est linéaire ou symétrique. Ils se dilatent et se brisent, se chevauchent. Refléter ce rythme en peinture me paraît plus vrai que la symétrie.
Art brut et vérité émotionnelle
L'art brut m'a toujours fasciné car il existe en dehors de toute validation. Il n'est pas fait pour impressionner ou se conformer, mais pour survivre. C'est pourquoi il est souvent si intense. Il paraît intime, nécessaire, urgent.
Lorsque je crée des peintures brutes originales, j'essaie de partir de ce même point de départ : là où l'émotion mène et où l'intellect suit. Le processus devient presque physique : éclaboussures de peinture, lignes déformées, surfaces métalliques captent la lumière comme des fragments de pensée.
Le résultat final n'est jamais « parfait », mais il est vivant. Le tableau garde la trace de chaque hésitation, de chaque correction, de chaque abandon. C'est là, pour moi, que réside la vérité : dans l'histoire visible du toucher.
Le chaos comme langage
Considérer le chaos non pas comme une destruction mais comme un langage change tout.
Dans l'art symbolique, le chaos représente la transformation – l'instant précédant la renaissance, avant que quelque chose ne prenne forme. Dans mes peintures, je l'utilise comme métaphore visuelle de l'évolution émotionnelle : la façon dont le désordre intérieur finit par donner naissance à une nouvelle compréhension.
Chaque forme irrégulière, chaque symétrie brisée devient partie intégrante de cette conversation.
Les matériaux — acrylique, techniques mixtes, pigments métalliques — sont choisis non pas pour leur perfection, mais pour leur résistance. Ils créent des surfaces vivantes, instables, en constante évolution sous la lumière.
Ce qui ressort de ce processus n’est pas de la confusion mais du sens — une sorte de désordre poétique qui reflète la manière dont l’émotion est réellement ressentie.
L'esthétique de l'incontrôlé
L’art original n’a pas besoin d’être ordonné pour être puissant.
J'ai toujours été attiré par les œuvres qui portent la trace de la main, le poids du geste humain. Dans mes peintures brutes, c'est ce que devient le chaos : une preuve de présence. Chaque marque visible rappelle qu'elle a été créée par quelqu'un qui a ressenti quelque chose trop fort pour l'effacer.
Lorsque ces peintures sont imprimées sous forme de reproductions d'art ou d'affiches, j'essaie de préserver cette texture : les rayures, le grain, la tension. Car le chaos, même reproduit, reste présent.
L'esthétique du désordre ne se résume pas à la rébellion pour elle-même. Elle évoque la liberté – celle qui permet à un tableau d'exister sans avoir besoin de plaire. C'est le genre d'art qui ne murmure pas la sérénité, mais vibre d'électricité, telle une pensée qui refuse de s'installer.
Créer le chaos, c’est faire plus confiance à l’émotion qu’à la structure, à l’instinct qu’au plan.
Dans cet abandon, la beauté ne disparaît pas, elle se multiplie.