Quand les fleurs deviennent plus qu'un simple ornement
Dans mon travail, les fleurs sont rarement des symboles réconfortants. Elles ne se contentent pas d'orner la figure ou d'adoucir la composition. Elles portent plutôt un poids émotionnel qui peut basculer de la tendresse à l'inquiétante en un instant. Leur douceur est réelle, mais leur tension l'est tout autant. Un pétale peut évoquer une blessure. Une tige, une veine. Un halo floral peut paraître à la fois protecteur et menaçant. La beauté devient un vecteur de malaise – quelque chose de délicat, mais teinté d'une étrangeté silencieuse.

Les yeux qui pleurent comme point de friction
Nombre de mes portraits arborent des yeux en pleurs, mais les larmes y coulent rarement de façon naturelle. Elles apparaissent stylisées, lourdes, presque graphiques : des larmes noires, des traînées épaisses, des gouttelettes qui semblent sculptées plutôt que fluides. Ces larmes créent une tension émotionnelle. Elles rendent le visage à vif et vulnérable, mais aussi étrangement distant, comme un masque qui se déchire. Dans cette tension entre sincérité et artifice surréaliste, l’horreur demeure sourde. Elle n’est ni violente ni bruyante ; elle s’attarde silencieusement dans l’espace émotionnel entre l’expression et l’interprétation.
Un calme qui semble un peu trop calme
Une grande partie du malaise qui se dégage de mon travail provient de l'immobilité. Mes personnages sont souvent assis dans des poses qui semblent suspendues, comme figés en pleine réflexion ou en pleine métamorphose. Le calme est réel, mais il porte une charge subtile – le sentiment que quelque chose se trame sous la surface. Ils fixent le spectateur sans jouer un rôle, sans sourire, sans offrir de réconfort. Il en résulte une atmosphère où la sérénité devient étrange et la beauté inquiétante par l'absence de mouvement.
Les fleurs comme témoins silencieux
Les fleurs qui entourent mes personnages se comportent souvent comme de silencieuses observatrices. Symétriques, lumineuses ou étrangement animées, elles semblent dotées d'une présence consciente, comme si elles contemplaient le personnage ou faisaient écho à son état émotionnel. En les érigeant en entités plutôt qu'en simples ornements, la scène acquiert une vie inquiétante. Une fleur peut paraître à la fois tendre et alerte, une compagne qui en sait plus qu'elle ne le laisse paraître. Cette double sensation métamorphose la beauté végétale en une forme subtile d'horreur.

La tendresse inquiétante de l'expression brute
Dans mes œuvres, de nombreux visages expriment une sincérité émotionnelle qui frôle le malaise. Loin d'être agressifs, ils sont d'une simplicité désarmante. Grands yeux, lèvres entrouvertes et une douceur contenue créent une vulnérabilité presque à vif, une impression de nudité absolue. Cette expression semble trop franche, trop brute. Cette crudité, alliée aux formes surréalistes qui l'entourent, engendre un léger malaise, nous rappelant que l'émotion, si belle soit-elle, est rarement simple.
Pourquoi l'horreur douce semble plus intime que la peur
L'horreur présente dans mon œuvre n'est pas conçue pour effrayer, mais pour révéler. Cette horreur douce est émotionnelle plutôt que violente, psychologique plutôt que graphique. Elle naît des contradictions : la beauté alliée au malaise, la douceur alliée à la tension, la délicatesse florale alliée à l'étrangeté. Cette forme d'horreur est intime car elle reflète la manière dont le malaise se glisse dans la vie réelle – silencieusement, subtilement, sous une apparence de douceur.
En mêlant fleurs et malaise, larmes et immobilité, beauté et étrangeté, mon travail crée des espaces émotionnels où la douceur recèle son ombre. Et dans cette ombre, une vérité commence à se faire entendre.
 
              
 
              
 
              
 
              
 
              
 
              
 
              
