Le gros plan dans le giallo comme arme émotionnelle
Le cinéma giallo est célèbre pour ses gros plans extrêmes : des yeux qui emplissent le cadre, une peau tendue sur l’écran, des expressions figées dans le souffle. Ces plans condensent la peur et la fascination en une seule image. Dans mes portraits surréalistes, cette intensité se traduit par une autre forme : des figures aux multiples visages qui font écho à l’intimité claustrophobique de ces plans cinématographiques. Au lieu de capturer un seul œil paniqué, l’œuvre multiplie les regards, fracturant le récit émotionnel et plaçant le spectateur au cœur d’une tension psychique troublante.
La charge psychologique d'être trop près
Dans le giallo, les gros plans ne sont jamais neutres. Ils amplifient la vulnérabilité, l'incertitude et la menace de l'inconnu. Mes portraits aux multiples visages dégagent une charge émotionnelle similaire. Lorsque plusieurs expressions se superposent sur un même visage – ou lorsque des yeux apparaissent à des endroits inattendus – le spectateur ressent une tension accrue. Le portrait paraît proche, même vu de loin. Cette sensation d'espace émotionnel comprimé recrée l'impression classique du giallo d'être observé, pris au piège, ou scruté de trop près.

Des visages qui se multiplient sous la pression
Dans les films Giallo, un simple gros plan sur un œil exprime la panique, la révélation ou l'obsession. Dans mon travail surréaliste, la multiplication des visages – ou des versions fragmentées d'un même visage – amplifie ce moment en une expérience psychologique plus complexe. La multiplication des traits crée un sentiment de conflit intérieur, de perception démultipliée ou d'identité fragmentée. Il ne s'agit pas d'une peur exprimée extérieurement, mais d'une terreur intérieure : celle qui surgit lorsque trop d'émotions se bousculent dans un même espace. Les portraits aux multiples visages deviennent des gros plans émotionnels, révélant une tension qui ne peut être contenue dans une seule expression.
Le regard comme source de suspense
Les réalisateurs de giallo utilisent souvent le regard comme réceptacle du malaise. Une paupière mi-close, un regard fixe et intense, une concentration tremblante peuvent transformer une scène entière. Dans mes portraits, le regard joue un rôle similaire. Plusieurs yeux – superposés, en miroir ou légèrement décalés – créent un suspense lent et surréaliste. Ces regards ne crient pas ; ils observent. Ils retiennent le spectateur comme un gros plan de giallo le captive. Il en résulte une atmosphère où l’émotion vibre discrètement mais avec insistance.

La couleur comme pression cinématographique
La terreur du giallo, au plus près de l'action, est intensifiée par sa palette de couleurs saturées : rouges profonds, verts électriques, bleus cobalt, lumière dorée. Dans mon travail, ces tonalités deviennent des champs émotionnels qui entourent la figure aux multiples visages. Une lueur rouge accentue la tension. Un liseré vert acide instaure une atmosphère menaçante. Un fond noir doux resserre encore le cadre, faisant écho à l'obscurité qui s'insinue aux abords d'une scène de giallo. La couleur devient une forme de pression psychologique, transformant le portrait en un instant cinématographique suspendu dans l'immobilité.
L'horreur douce née de l'intérieur
Alors que le giallo extériorise souvent la menace, mes portraits surréalistes l'intériorisent. La peur y est sourde plutôt que violente, émotionnelle plutôt que littérale. La structure complexe suggère un délitement intérieur, une horreur douce qui relève davantage du ressenti que du danger. Ces images invitent à la contemplation plutôt qu'au choc, tout en conservant une atmosphère chargée qui fait écho à l'intensité cinématographique des gros plans emblématiques du giallo.

Multiplicité symbolique et distorsion émotionnelle
Les distorsions surréalistes de mes portraits — yeux supplémentaires, joues dédoublées, silhouettes superposées — agissent comme des échos symboliques du cinéma giallo. Elles confinent le spectateur dans un espace émotionnel restreint, à l'instar de la caméra qui emprisonne les personnages dans un cadre étrangement serré. Chaque couche de visage supplémentaire devient un indice symbolique : un fragment de mémoire, un moment de déchirement émotionnel, une trace psychologique qui accentue la tension du portrait.
Une interprétation surréaliste contemporaine de l'intimité giallo
Plutôt que de reproduire littéralement l'imagerie du giallo, mon travail en adapte les codes émotionnels. L'extrême proximité, le regard chargé d'émotion, la tension entre beauté et malaise : tous ces éléments trouvent une nouvelle expression à travers des portraits surréalistes et polymorphes. Il en résulte une esthétique qui rend hommage au langage visuel audacieux du giallo tout en le réinventant en une œuvre introspective, symbolique et d'une grande complexité émotionnelle.